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entretien avec
Laurent Caille

coiffeur

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J’ai vu que vous aviez fait beaucoup de choses différentes et je voulais savoir ce qui vous a le plus plu ou déplu dans le cinéma la publicité les spectacles etc.

 

Ce sont deux thématiques différentes. Ce qui me plaît le plus, c'est l’exigence, le devoir de résultat, la quasi-absence de droit à l’erreur qu’il y a dans le cinéma, surtout pour des films d’époques. Nous sommes également confrontés à des personnes à l’importance sociale certaine, et au caractère certain également ; Il faut savoir les gérer, comme il faut savoir gérer un budget. On doit connaître son métier, afin de pouvoir gérer des équipes. On se doit aussi de donner par l'image une certaine forme de rêve, que j'estime être le but en soi du cinéma, de la télévision, de la publicité. On apporte une part de rêve, que celui-ci soit positif ou négatif. 

Le côté négatif de cet univers réside parfois dans le manque de considération de certaines personnes, voire même un manque de professionnalisme. Les conditions ne sont pas toujours simples non plus.  C'est un métier très exigeant, on parle de journée de 15 à 18h de tournage parfois, en tous cas minimum de 12h ! Avec des conditions pas toujours requises. Mais je ne parlerai pas pour autant de déception. Il faut juste savoir s’adapter, parfois imposer ses convictions.  En tant que gestionnaire de poste, j’ai une obligation de résultat envers le producteur et le réalisateur pour prendre les décisions qui s’imposent…

 

Pour rebondir sur ce que vous avez dit est-ce-que y'a des acteurs avec qui ça ne s’est pas bien passé ou alors avec qui ça a très bien marché au contraire ?

 

Je ne le dirai pas, mais il est clair que les personnes les plus talentueuses sont souvent les plus simples et s’avèrent absolument formidables tout en restant normales dans la vie de tous les jours. Personnellement je considère que la place d’une étoile est dans le ciel, pas sur un plateau, à moins qu’elle ne soit une star déchue ! J’ai eu la chance de travailler avec Sofia Coppola, Morgan Freeman, Gérard Depardieu, Gérard Lanvin, Antoine de Caunes, j'en passe et des meilleurs, et je peux vous dire qu’on détecte assez rapidement si leur image à la scène est conforme à leur image à la ville. 

Bien sûr, on peut rencontrer des difficultés avec certaines personnes mais notre responsabilité commune de coiffeurs est de les mettre dans les meilleures conditions possibles.  Dans ma loge, la concentration est double : celle de l’acteur avec son scénario et la mienne propre. Il y a rarement la place pour les conversations du quotidien, comme les histoires de baby-sitting…

L’atmosphère est donc très professionnelle et ça se passe généralement bien avec tout le monde quel que soit le caractère. Il est toujours très appréciable de rencontrer des gens simples et qui le restent tout au long de leur carrière, mais parfois la notoriété peut monter à la tête et c’est ce qui est vraiment regrettable.

 

Est-ce que vous avez une expérience qui vous a le plus marqué et qui vous a beaucoup plu sur un tournage ou sur un plateau ?

 

La question est difficile car j'ai fait des milliers, des dizaines de milliers d'heures de tournage. Je n’ai sincèrement aucune expérience marquante en particulier ; j'ai tant tourné...  Dans des montagnes, dans des égouts, dans des catacombes, sous la pluie, sous la neige, dans des conditions terribles ou sous 45 degrés dans des studios non climatisées. Je peux néanmoins vous citez des expériences qui ont été très difficiles de par leurs circonstances. Je me rappelle une en particulier, c’était un film tourné au Liban pendant 3 mois à la frontière de la Syrie dans une région nommé le Chouf.  Cette région montagneuse présente des paysages extrêmement marqués par la présence de la guerre et regorge de petites villes anciennes ravagés par les bombes et les tirs de mitrailleuse. Ce tournage était d’autant plus difficile car notre équipe n’était pas professionnel et loin d’être préparer à de tels circonstances. Cependant ce fut un tournage absolument incroyable et nous avons été récompenser de 3 milliards de spectateurs. C'était un gros projet avec un envers du décor très spécifique où il était nécessaire de prendre sur soit pour voir tout notre travail accompli. 

 

Parlons d’expérience plus positive ; je me souviens en particulier de cette histoire avec un grand comédien qui n'est plus depuis peu, Jean-Pierre Marielle. Il y a maintenant plusieurs années, sur un tournage d’époque, il incarnait le personnage de Charles Darwin âgé, il devait donc porter une barbe correspondant parfaitement au personnage, en temps qu’historien je tenais donc à une parfaite réplication de cette longue barbe blanche.  Le collage d’une fausse barbe est un exercice très difficile dans le travail de perruquier, et cette expérience fut d’autant plus compliqué car il était nécessaire de faire des raccords tout au long de la journée dans des décors de vieilles maisons à l'anglaise très serrés et étriqués. Nous passions le clair de notre temps à quatre pattes pour s’assurer que la barbe ou même les sourcils étaient parfaits, surtout lors des scènes en gros plans… Pas le moindre poil ne doit dépasser quand on sait que notre travail sera diffusé sur un écran de 40 mètres au Grand Rex !

J’étais accompagné durant ce tournage de mon assistante, elle est comme mon ombre, toujours un miroir à la main et prête à m’aider à tout instant.

Un jour, alors que cela faisait déjà plusieurs heures que tout le monde s’activait sans répit sur le plateau, je dois m’absenté pour aller aux toilettes. Après avoir prévenu la première assistante, je file et là au pire moment qu’il soit mon talkie-walkie qui m’appelle, c’était le premier assistant : « Laurent ! Laurent ! Jean-Pierre Marielle t’appelle ! ». Je redescends à toute vitesse en demandant qu'est-ce qui se passe, est-ce qu’il y a eu un problème et il me dit que Jean-Pierre Marielle a demandé où était le maître perruquier afin de lui exprimer ses compliments car on ne lui avait jamais posé une barbe aussi bien de sa carrière.

D’un côté j’étais content de ne pas être là pour ce moment qui m’aurait mis mal à l’aise mais ce fut un grand compliment d'un grand monsieur d'expérience ce qui m’a énormément touché, et m’a conforté dans mes qualités de travail.

 

Vous avez énormément d'expérience en dehors du cinéma et de votre travail. Vous êtes notamment passionné de voyages, de la mer. Vous avez également beaucoup de diplômes ! Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

 

J’ai toujours été intéressé par la nature, les voyage ou la photographie… Pour moi ces passions sont complémentaires et indispensables. Cependant j’ai pu observer qu’en France avoir beaucoup de centre d’intérêts était moins accepté qu’aux États-Unis par exemple. J'ai eu l’occasion de suivir des stages de photographie professionnelle à Louis lumière, j'ai également fait des stages de réalisateur à l’INA pour connaître mieux la caméra, l'image, la lumière. Ce sont des activités que j’ai pratiquer de mon côté parallèlement à mon métier depuis plus de 30 ans.

Je suis devenu instructeur de plongée sous-marine du système américain ce qui m’a donné l’occasion de beaucoup travaillé à l'étranger notamment en Thaïlande, en Malaisie, à Singapour, en Nouvelle-Calédonie ou encore en Égypte. C’est dans ces lieux si particuliers que j’ai pu redécouvrir la nature, l'écologie, à prendre soin de la sécurité des gens sous l'eau.

 

Les valeurs que m’a appris la plongé m’ont été d’une grande utilité dans mon métier de perruquier car en effet prendre soin des gens, de prendre soin de soi aussi et la sécurité sont des qualités essentielles sur des plateaux. Tous ces voyages et ce les valeurs qu’ils m’ont inculquées m’ont donc poussé à écrire des livres sur mes voyages.

Étant passionné d'histoire, j’ai pu grâce à mon métier approfondir mes connaissances depuis plus de 20 ans notamment sur l'histoire de la coiffure et des perruques jusqu’à plus de 8000 ans avant notre ère. J’ai pu retrouver les premières perruques, les premières colorations, voir à quel point les modes ont influencé le monde dans tous les niveaux de la société que ce soit au temps de la création antique, la Rome antique ou encore la renaissance. 

Découvrir de livre en livre, de musée en musée, d’iconographies en peinture, les vérités sur l'histoire a été fondamental dans mon métier pour les films historiques qu’ils soient français ou américains car on peut souvent voir des énormes erreurs. Ce problème vient du fait que certaines personnes du métier se contente de s’inspirer de film afin de reconstituer une époque entière. Prenons l’exemple de Cléopâtre avec Liz Taylor sortis en 1963, Cléopâtre y est représentée avec une frange et un carré et on retrouve également cette coiffure dans le film avec Monica Belucci.

 

Or, en tant qu’historien j'ai des preuves, par des iconographies, par des fresques, par des pièces de monnaie romaine que Cléopâtre n'a jamais porté  de frange mais des nattes plaquées sur la tête. En effet pour la petite histoire, des études ont pu prouver que Cléopâtre était métissée et possédait des traits d’Afrique australe. 

Je pourrais aussi prendre l’exemple du film Marie-Antoinette de Sofia Coppola ou encore malgré l’équipes de 30 à 40 professionnels allant du meilleur coiffeur au perruquier français, il a été réalisé la plus haute perruque de 30 centimètres. Sachant que j'ai des iconographies, des livres par dizaines ou on apprend que les perruques pouvaient faire jusqu’à 2 mètres de haut !

Lors de nombreux tournages j’ai pu m’entretenir avec le metteur en scènes afin de trouver le parfait partis pris entre mes recherches, la faisabilité et son propre avis pour être le plus proche de la réalité.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

 

Je travaille en ce moment sur un projet mais il est encore trop tôt pour en parler !

Nous venons de vivre une année qui a été particulièrement difficile pour tout le monde, le monde de la culture a été énormément touché que ce soit dans les théâtres, dans le cinéma, dans les tournages… C'est une année blanche, une année morte ; la culture était complètement et tout le monde en a souffert.

La petite histoire c'est que la culture était mise en exergue pendant presque toutes les guerres. Durant la guerre 39-45, alors que Berlin était un royaume de fête, d'opéra, d'opulence, de coiffure et de sortie, la culture est devenue non importante, non essentielle.

 

Cependant, de mon côté je constate un petit redémarrage puisqu’on m'a consulté pour travailler sur des sosies sur des personnalités décédées pour une émission de télévision mensuelle. Cette fois ci je peux vous en dire plus car ça a déjà été annoncé dans la presse avec Thierry Ardisson. Je suis donc chargé de la création des perruques et d’autre accessoire de personnalités disparus comme Jean Gabin ou encore Lady Diana. 

Pour ce qui est des techniques utilité, les perruques sont tout d’abord modélisées sur ordinateur, au niveau visage tout est fait en 3D. En revanche les perruques sont entièrement réalisées sur mesure et nécessite donc beaucoup de recherches et de travail.

J'ai également été contacté très récemment pour un film d'époque sur Marie de Médicis qui doit se tourner prochainement sur plusieurs mois un peu partout en France. Néanmoins ce projet reste en stand-by car avec les équipes de tournage anglaises et américaines ça ne facilite pas les choses, nous attendons donc un petit signal de redémarrage pour entamer le tournage. 

Les circonstances de travail sont cependant très inédites ! On se croirait presque plus au bloc opératoire que sur un tournage de cinéma ! Je dois en effet porter des blouses en plus des gants habituels, rajoutez à cela le masque, la visière et la désinfection de tout le matériel entre chaque personne. J'ai vraiment l'impression de travailler aux urgences, ce sont vraiment des circonstances où nous sommes très aguerris à faire attention à la sécurité de chacun et également de la sienne.

 

Comment vous faîtes une perruque et combien de temps cela vous prend-t-il ? 

 

L’implantation de la perruque est confectionnée à la main avec du cheveu naturel et fabriquée sur mesure, cela me prend environ 5 à 7 jours et 1 à 2 jours de préparation logistique. Pour le collage, elle sera posée sur du tulle. Le but étant que la perruque ne soit pas visible ! 

 

J’ai dû en créer d’urgence où les heures ne sont pas comptées : entre 5 et 10 heures de travail acharné. Pour produire des perruques d’époque avec mes équipes, nous allons travailler 5 à 7 jours. Nous rajoutons des cheveux, des volumes artificiels en intérieur et nous nous basons sur de la documentation pour pouvoir reproduire exactement les bons volumes. 

Les marteaux sont les boucles que nous voyons sur les côtés qui correspondent à certaines époques, chaque styles et personnages sont plus ou moins élaborés. 

 

Le flashback qui me vient à l’esprit est la fabrication de la plus grande perruque du monde pour les 50 ans de Barbie. Mattel, une grande société de jouets, avait sorti une Barbie digitale avec un appareil photo intégré permettant de le brancher à un ordinateur. Il a fallu innover une poupée de 5 mètres de haut, une perruque de 2 mètres de tour de tête et l’établir à la main, comme une perruque de cinéma. 2 mois de travail pour fabriquer cette perruque, c’était le lancement international de cette Barbie et ce fut un énorme challenge dans ma carrière !

 

Comment travaille-t-on sur des films où les personnages sont volontairement « négligés » (films de banlieue…) ?

 

Je commencerai par une réflexion que l'équipe peut se poser. Quand un film est finalisé, avant sa sortie dans les salles, nous avons la projection officielle avec les producteurs, l’équipe et un peu de public. La première introspection est de savoir si le film est contemporain : si les internautes nous disent « nous n’avons absolument pas remarquée la coiffure, bravo ! », cela veut dire que le travail est réussi. 

 

Nous devons être crédible, si je remarque dans un film la coiffure ou le maquillage, cela veut dire qu’il y a un problème. Il faut qu'il soit véritable, ce qui provoque beaucoup de réflexion et de technique. Si je dois faire des cheveux naturels, j’effectuerais une coiffure moins sophistiquée et brossée. 

Je me penche également sur le caractère du personnage comme par exemple, une personne de banlieue. La recherche est aussi importante puisque je me suis penché sur l’observation de la rue. En effet, j’adorais m’asseoir, me poser sur un banc et regarder les passants pendant des heures. J’avais une autre façon de voir l'image pour le public, ce qui m’a fortement inspiré dans la mode !

À mes débuts dans ce milieu, je pensais que c’était un terrain surfait et pour moi, essayer d'inventer des choses, cela n’existait que dans les fictions. Grâce à ce métier, j’ai été rapidement amené à travailler pour la télévision et la filmographie. Avec la chance de pouvoir créer des personnages à Antoine de Caunes, José Garcia, à l'époque sur « Nulle part ailleurs » sur la chaîne Canal+. La grande période où beaucoup de sketchs, de fausses publicités et des effets spéciaux étaient omniprésents. 

 

Très simplement, si nous faisions un sketch qui avait une tendance politique et devait durer le temps d'une pub de 25 secondes, il fallait vraiment qu’en une dizaine de seconde, je cible exactement l'impact visuel que va recevoir le public : concevoir instantanément la sociologie du personnage est une partie très importante dans la coiffure. Dans un visage, c’est moins courant puisqu’aujourd’hui je détecte beaucoup moins leur évolution, surtout chez les hommes politiques. 

Mon travail va être également sur le comédien d’apporter cette petite touche, qui quelque fois n’est pas voyante, de blanchir un petit peu les cheveux avec des effets spéciaux ou le rajeunir. Ce qui permet d'identifier la personne, percevoir son caractère et son humeur, toute la préparation est primordiale ! Sur un film, nous allons voir l'évolution d'un personnage en fonction de ce qu’il se passe dans la temporalité. Entre les effets spéciaux et l'analyse caractérielle sociologique, c’est véritablement ma façon de voir le travail.

 

 

Est-ce qu’on vous a déjà laissé carte-blanche ?

 

Oui bien sûr. Notamment pour des documentaires-fictions comme celui sur Charles Darwin. C’est justement très intéressant car c’est une reconstitution historique. Nous devons faire des sosies de personnages contrairement à des films de fiction ou le but étant de donner du rêve, de créer une ambiance. Pour moi le biopic sur Édith Piaf, ce n’est pas elle. Dans le film sur Marie-Antoinette de Sofia Coppola, la reine a un seul amant ; mais moi qui connaît très bien l’histoire, je sais qu’elle en avait des dizaines. Donc c'est un parti pris.

 

Lors de tournages de documentaires-fictions avec des réalisateurs qui me connaissent depuis plus de 30 ans, c’est extrêmement intéressant car j'ai énormément de liberté, même si bien évidemment, je vais consulter le metteur en scène. Je lui expose mon avis, ce que j’ai envie de faire, la réalité de l’histoire, et très souvent il valide. Il m’accorde sa confiance. C’est le cas également avec Pierre. Lors des différents travaux que nous avons faits ensemble, il s'ouvre énormément sur mes propositions par rapport à son scénario et à ce que je peux apporter avec mon regard personnel.

 

Maintenant je vais vous poser des questions par rapport à des photos et j’aimerais que vous m’en parliez :

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes sur une ambiance « romantique Montmartre », il fallait que nous restions naturels, mais rentrer dans une certaine forme de poésie. Alors nous avons crêpés un petit peu les cheveux pour pouvoir alléger les cheveux des comédiennes. Dégager le visage est important pour moi ! 

 

Sur la photo 1, la comédienne aux cheveux courts, je trouvais important de lui donner un charme car nous sommes sur une époque qui pourraient exister dans les années 40/50/60. Je voulais donc donner une ambiance intemporelle. Pour la petite histoire, le coiffeur qui a fait le raccord sur la comédienne blonde était un comédien, ce n'était pas moi parce que j'étais derrière les caméras pour les raccords image.

 

Dans un premier temps, il fallait que le spectateur identifie clairement chaque personnage. Deux brunes aux cheveux courts, il fallait leur donner un caractère différent. Alors j’ai donné à la comédienne (4) un petit côté années 20, Betty Boop. Le maquillage accentuant cet effet. Je trouvais cela intéressant de mettre quelques touches qui sortent de l'ordinaire ; moderne avec un petit côté rétro charmant. J’aime donner cette dimension quand c'est possible ; un peu dans le passé et dans le futur.

 

Avec la comédienne blonde (3), l’effet est contemporain. Je dirais même plus années 80-90 plutôt qu’aujourd’hui ou les cheveux sont encore moins travaillés ou sophistiqués dans la vie de tous les jours. Ici je voulais quand même lui boucler un peu les cheveux lui donner une certaine matière, que cela soit naturel avec des cheveux vives.

Le but était qu’elles soient en même temps intemporelles, naturelles, et reconnaissables.

 

 

 

Sean Connery, le meilleur James Bond pour moi. Le monde de cette époque-là est quand même fantastique, magnifique. J’adore cette sophistication du costume et de la coiffure.

Sa coiffure a un côté années 40-50, alors que le tournage s’est déroulé dans les années 60/70. Je pense donc que nous restons sur un côté intemporel de James Bond que j'apprécie fortement.

 

 

 

Les perruques sont toujours faites en amonts dans les ateliers, ici la frange de Winona Rider est réalisée en amont afin qu’elle soit totalement fixe. Sur les plateaux, nous nous affairons à réaliser un collage parfait et à faire quelques retouches sur les perruques pour les adapter à la forme de tête de l’acteur. 

Après chaque journée de tournage, nous avons entre 1 et 3 heures de travail afin que la perruque soit prête le lendemain à 6h pour la prochaine captation. 

 

Sur la première photo en l'occurrence, pour cet effet coiffure en pétard, nous rajoutons des formes de matière.

Étant maquilleur, j'affectionne tout ce qui est jeu de la matière et des effets spéciaux … j'utilise très souvent des poudres et notamment des mélanges de poudres de différentes couleurs de talcs pour ternir le cheveu. On peut également utiliser un peu d'argile, un peu de Foster ou même mélanger de l'argile avec du pigment. Mais oui, la création est complètement faite auparavant et nous n'avons plus qu'à poser la perruque, faire quelques retouches et s’occuper des raccords dans la journée.

Est-ce que ça peut arriver d’avoir un gros problème avec une perruque sur un tournage ?

 

Certainement, par exemple sur un tournage au parc d’attraction dans la mer de sable à Ermenonville au nord de Paris, l faisait très froid en hiver, nous réalisons un tournage avec des femmes particulièrement dénudées qui jouaient dans la neige. Elles portaient des perruques blondes très longues et dans l’espace intérieur, nous avions installé des canons à chaleur à gaz qui propulsait de l'air chaud, elles venaient donc s’y réchauffer. Cependant avec les perruques synthétiques, je leur expliquais d’y prêter attention car en se rapprochant trop près des radiateurs, leurs perruques pouvaient brulées.

Malheureusement ce fut le cas … une comédienne s’est avancée trop près et en une demi-seconde la perruque a fondue. C’était à ces risques et périls puisqu’elle s’exposait au danger. Forte heureusement, je suis allée lui arracher la perruque à temps !

 

Pour en revenir sur « Nulle part ailleurs », une de mes premières expériences qui nous apprend la rigueur et à anticiper le danger ; nous avions le personnage d’Antoine de Caunes. Avant de travailler avec José Garcia, il était tout seul à l'antenne, c'était l'époque où Pierre travaillait à la télévision et nous n’avions pas beaucoup de budget. C’était encore clownesque, de la débrouille, nous avions les textes à 14h pour une émission annoncée à 18h30 et les personnages vers 20h. Nous avions très peu de temps. 

 

Je devais faire le tour de Paris afin d’acheter une perruque convenable pour l’arranger à ma manière, le plus vite possible. 

Un jour, Laurent Chalumeau, l'auteur d’Antoine de Caunes, m’interpelle à 18h et m’annonce un changement de personnage de dernière minute. Dick Rivers, le chanteur de rock était là et je devais faire une perruque avec une banane, je n’avais qu’une heure trente pour le faire ! 

Je n’avais que 3 bouts de ficelles, une perruque noire usée et puis mon imagination. Je me suis rendu chez les décorateurs en urgence en leur demandant un matériel qui puisse maintenir la banane, ils m’ont donné une barre de soudure très épaisse mais je me suis débrouillé. 

Lors de l’émission, Antoine De Caunes devait mettre un coup de tête à un spectateur au hasard. Le spectateur était une personne de l’équipe et plus particulièrement le chauffeur de salle José Garcia. Dans la création de la perruque, je n’avais pas été mis au courant de ce détail et j’ai réalisé qu’elle n’était pas adaptée pour cela. Au moment du coup de tête, je regarde la barre de fer sortir de la perruque qui aurait pu éborgner Antoine, c’était la panique totale ! Forte heureusement, aucune personne ne fut blessée.   

Dans mes formations, je raconte cette anecdote afin de bien illustrer le besoin systématique de tout anticiper et de montrer qu’un détail peut avoir de lourdes conséquences.

 

 Est-ce que vous avez déjà travaillé avec des prothèses ?

 

Oui bien sûr, avec des prothèses de visage. Il faut savoir que nous considérons une perruque comme une prothèse.

Je travaille avec des maquilleurs qui sont chargés de la pose de prothèse que ce soit pour faire une fiction, pour rajeunir ou vieillir ou effectuer des transformations.

Par exemple, le maquillage de Robin Williams dans le rôle de Madame Doubtfire, cela représente 4 heures de maquillage pour le transformer tous les matins. C'est un travail énorme de l'équipe de maquillage et de coiffure ; car il y a non seulement le maquillage et les prothèses mais aussi les perruques, les postiches … 

C’est beaucoup de courage pour le comédien qui va devoir prendre son mal en patience. C’est un travail très pointu qui nécessite beaucoup de recherches en atelier en amont et de temps. On fabrique des dizaines de prothèses car chaque journée est différente donc les prothèses peuvent être des faux crânes, des perruques, des fausses oreilles, des doubles mentons...

 

En conclusion, oui. J’ai l'habitude de travailler sur des prothèses avec les meilleurs maquilleurs effets spéciaux, c’est extrêmement enrichissant et intéressant.

 

Comment on fait pour faire un crâne chauve à un acteur ?

 

Le procédé consiste à plaquer les cheveux le plus plat possible, si le comédien a les cheveux longs, c’est très compliqué.  

 

Nous avons des faux cranes qui sont très fins et que nous posons par la suite, sur la tête. Nous utilisons une technique de décalage afin de fondre au mieux la calotte et dissimuler le plus possible la démarcation du faux crâne. Et en dernière étape le maquillage pour rendre le tout plus réaliste avec des effets de peaux. Nous pouvons également rajouter par exemple, une demi-perruque que nous colons tout autour de la tête pour donner un effet de calvitie. 

 

Tous ces procédés sont complètement gérables mais cela demande du temps et du budget.

En effet, il faut entre 5 et 10 jours de travail pour une perruque qui couterait en tout 4 000 à 5 000 euros. Il faut également prendre en compte le prix du kilo du cheveu qui se situe entre 2 000 et 4 000 euros. En comptant que nous pouvons utiliser jusqu’à 300 grammes, tout en rajoutant le temps de main d'œuvre du personnel. 

C’est aussi mon rôle de devoir faire un budget, en prenant compte de chaque jour par rapport au nombre d'intervenants, de coiffeurs, d’assistants avec le nombre de comédiens ... 

Tout est une masse salariale qu'on doit développer pour pouvoir apporter une argumentation afin de justifier tout le budget coiffure auprès du directeur de production. 

 

 

 

 

 

 

 

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Propos recueillis par Manon Faubourg

D’où vient votre passion pour la coiffure ?

Du hasard et de concours de circonstances de la vie. Initialement, je voulais être journaliste, mais je n’ai pas pu suivre le cursus. Je suis devenu coiffeur et très rapidement champion de France, d’Europe.

À 18 ans j'étais manager d’une grande chaîne de salon, puis, à 19 ans, traîneur. 3 ans plus tard, je travaillais dans la mode comme coiffeur maquilleur et à 22 ans j'ai commencé à travailler en télévision, à Canal Plus en l’occurrence. C’est d’ailleurs là que j’ai rencontré Pierre Gaffié.

Et nous avons ensuite travaillé ensemble sur différents tournages : « La ville aux murs dauphins », « 20 mètres d’amour à Montmartre ». J’ai évolué au fur et à mesure vers le cinéma. Ce sont donc des concours de circonstances qui m'ont amené vers cet horizon.

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